La mulette survivra-t-elle à la pollution des cours d’eau due à l’activité humaine ?

Mulette

Gille Barthélemy, de l’ONEMA, et Pierre Audonnet, qui a conduit une étude avant travaux durant deux mois. (Photo Sylvie Berche)

La structure La Rabouillère a lancé une étude afin de restaurer les conditions écologiques naturelles de la moule perlière, menacée d’extinction.

Question coquillages, en Creuse, on pensait ne devoir se satisfaire que des escargots et des fameuses huîtres de Sardent. Sauf qu'au fond de nos rivières, il y a aussi des moules… Mais pas question d'en faire une mouclade : elles sont protégées. Ces mulettes ou moules perlières, Margaritifera Margaritifera (la porteuse de perles) peuvent mesurer jusqu'à 13 centimètres et vivre de 20 à 30 ans. Drôle de bestiole qui vit en symbiose avec… la truite fario, autre espèce fragile.

Cette moule est toute ouïe

En effet, à l'état de larve, elle est aspirée par le poisson qui loin de la boulotter va la conserver au frais dans les lamelles de ses branchies entre un et dix mois. Au bout de ce délai, elle se laisse choir de son étrange nurserie, dans un milieu supposé favorable, pour s'enfouir dans le substrat du cours d'eau entre trois et cinq ans.

Dans la Leyrenne, affluent du Taurion, une zone Natura 2000, des spécimens de mulettes ont été découverts dès 2004. Et signe qu'elles ont l'art de choir dans le bon substrat, c'est sur une parcelle appartenant à Christophe Durand qu'elles ont été décelées. Et ce dernier n'est autre que le président de la Rabouillère, une structure qui s'est donnée pour mission de défendre l'environnement. Pas folle, la moule !

Et c'est ainsi que ce coin de Creuse est devenu la seule et unique station d'étude de la présence de la mulette et les conditions nécessaires à sa survie. Un inventaire très précis a été réalisé, centimètre par centimètre, dans les fonds du cours d'eau, sur une superficie de 30 à 50 m2.

Un état des lieux régulier permettra de recenser le nombre d'individus présents et de voir si les initiatives de la station portent ses fruits. La Creuse est d'ailleurs l'un des départements précurseurs de ce genre de projet.

L'extinction menace

Au bout de cette première étude, qui vient d'être présentée à la mairie d'Augères (*), une triste évidence émerge : une diminution inquiétante de cette population sensible à la qualité de l'eau. Environ 80 spécimens vivaient sur la station en 2010, 54 en 2012, soit une perte de 35 % de la population. C'est pour cette raison que des démarches sont entreprises pour faciliter leurs conditions d'installation et de séjour.

Ainsi, il est nécessaire d'éloigner les troupeaux du cours d'eau afin de limiter le piétinement des berges qui participe à l'ensablement : cause majeure de la mortalité des moules perlières. «Les traitements antibiotiques et antiparasitaires répandus par les rejets des bovins en est une autre, d'où la nécessité de préserver les rives, et sa végétation, la ripisylve », souligne en conclusion Christophe Durand. C'est ce qui est actuellement mis en place à la Rabouillère : « Ainsi, complète Gilles Barthélemy, la restauration des conditions écologiques naturelles est la solution à mettre en oeuvre à l'échelle d'un bassin-versant pour maintenir la qualité de cette ressource indispensable qu'est l'eau cristalline de nos sources et ruisseaux. »

Et les perles ? Cette espèce permettait, comme l'huître, de produire des perles d'élevages plus économiques que celles des huîtres perlières. Elle donna lieu à une exploitation pendant longtemps, aujourd'hui quasi-abandonnée en France. Sauf que pour espérer récupérer une perle, il faut ensemencer un millier de mulettes… Peu rentable.